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La Savate - Harmonisation européenne de l'enseignement supérieur


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Article paru dans La Savate n°246, lundi 8 octobre 2001

Harmonisation européenne de l'enseignement supérieur
par Bernard SWARTENBROEKX


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Le contexte des négociations commerciales

Sans vouloir créer des amalgames entre des problématiques différentes, il est impossible d'envisager le processus de Bologne sans garder un oeil inquiet sur les menaces de libéralisation de l'enseignement dans le cadre des négociations sur l'Accord général sur le commerce et les services (AGCS) qui se tiennent actuellement dans l'ombre à Genève et qui devront aboutir lors du sommet de l'OMC à Doha au Qatar au mois de novembre. La position ambiguë de la Commission européenne et la définition pour le moins restrictive qu'elle donne du service public, les pressions des Etats-Unis et d'entreprises commerciales avides de s'implanter sur le juteux marché de l'éducation font craindre le pire.

L'année passée, nous vous entretenions déjà des menaces qui pesaient sur l'enseignement supérieur. Aujourd'hui, la menace se précise puisque l'UCL s'engage résolument dans la voie de l'harmonisation. Aussi, avant d'être entraînés dans une course infernale, un temps d'arrêt est nécessaire pour informer et réfléchir. C'est l'objet de cet article.

L'harmonisation suivant les textes officiels : que dit la déclaration de Bologne ?

Formellement, l'harmonisation européenne de l'enseignement supérieur a été lancée par la déclaration de Bologne signée par les ministres de l'enseignement supérieur de 29 pays européens. Celle-ci, dans le prolongement de la déclaration de la Sorbonne adoptée un an plus tôt par la France, l'Allemagne, l'Italie et la Grande-Bretagne, appelle de ses voeux la création d'un "espace européen ouvert de l'enseignement supérieur".

La méthode pour atteindre cet objectif ? Accroître la mobilité et "l'employabilité" des diplômés, rendre comparables et compatibles les diplômes, et améliorer la compétitivité des institutions européennes d'enseignement supérieur.

Les moyens ? Ils sont au nombre de six :

  • l'adoption d'un supplément au diplôme permettant de connaître le contenu des formations suivies et de les rendre comparables ;
  • l'organisation de l'enseignement en deux cycles principaux dont le premier aurait une durée d'au moins trois ans et donnerait accès au marché de l'emploi (d'où l'appellation générique "3-5-8") ;
  • l'adoption d'un système de crédits (qu'on a dénommé ECTS) qui s'acquièrent dans différents contextes dont la formation tout au long de la vie. Leur valeur serait du seul ressort de l'institution diplômante. Cela signifie que, pour entamer une formation dans une institution donnée, il appartiendrait à cette seule institution d'évaluer si les crédits dont vous êtes titulaires vous permettent d'accéder ou non à la formation en question ;
  • la mobilité à trois niveaux : celle des enseignants et des chercheurs, celle des diplômés par rapport à un marché de l'emploi européen et celle des étudiants au cours de leurs études ;
  • le développement de méthodes communes et permanentes d'évaluation de la qualité des enseignements ;
  • la promotion de la dimension européenne de l'enseignement supérieur à travers différents programmes ou initiatives décentralisés.
Ces objectifs ont été conformés lors de la conférence ministérielle de Prague qui s'est tenue en mai dernier qui affirme cependant que l'enseignement est un bien public (du moins en matière de réglementation) et fait mention de la dimension sociale de la mobilité.

Analyse : 5 raisons pour être inquiet

On voit aujourd'hui se dessiner toute une série de convergences qui vont bien au delà du développement de la mobilité et du souhait d'un espace européen de l'enseignement supérieur. Ces objectifs sont évidemment souhaitables. Mais pas forcément ce qui passe en leur nom. La question revient donc à définir le type d'harmonisation européenne souhaitée et non à s'interroger sur le bien-fondé d'une harmonisation.

1. Le processus de décision : une offense à la démocratie

Tout ce processus est parti de la volonté politique des 4 ministres chargés de l'enseignement des plus grands pays européens. En fait, il apparaît que la mise en place d'un nouveau système permettait de répondre à des motivations particulières à chaque Etat. L'Italie et l'Allemagne voulaient réduire la durée générale des études et favoriser l'émergence de formations plus qualifiantes. La France désirait avoir un prétexte pour chambouler et simplifier son système extrêmement complexe et éclaté d'enseignement supérieur. Quant à la Grande Bretagne, elle y voyait la possibilité de voir se généraliser un modèle très proche du sien.

Mais à aucun moment, le processus de réformes n'a fait l'objet de débat ou a fortiori d'approbation dans les assemblées parlementaires alors que les matières d'enseignement sont de leur ressort. On est donc en train de bouleverser toute l'organisation de l'enseignement supérieur et la conception même de son rôle dans la société sans aucune légitimité démocratique.

Quant à sa mise en oeuvre, elle se fait en dehors de tout cadre normatif précis. La méthode est d'une efficacité redoutable au point de surprendre les promoteurs du processus eux-mêmes. En effet, poussés par l'inquiétude de se voir isolés dans un cadre européen uniformisé et concurrentiel, chaque institution et chaque Etat s'aligne au coup par coup. Cette fuite en avant contribue ainsi à la création ou au renforcement de cet espace uniformisé et concurrentiel. La prophétie est donc autoréalisatrice et permet surtout d'éviter de s'interroger réellement sur la pertinence du processus.

2. La durée des études et l'accumulation d'unités de valeur

A bien y regarder, nous sommes face à deux logiques contradictoires. D'une part, on promeut un système somme toute fort rigide avec une durée fixe pour tous les cycles d'études. On se prive ainsi de pouvoir répondre avec souplesse à toute une série de situations pour lesquelles le moule sera inadapté. Il est à noter à cet égard que la convergence européenne est loin d'être aussi forte qu'on ne la ressent habituellement En imposant un cadre uniforme, on risque en fait de voir se dissocier la durée théorique des études qui servirait de base au financement et la durée réelle nécessaire à leur accomplissement qui varierait selon les filières et les établissements.

C'est en effet ce que rend possible la généralisation d'un système extrêmement souple d'unités capitalisables (les ECTS) qui sont censées non seulement fournir une norme à toutes les formations et faciliter ainsi les passages d'une institution européenne à l'autre (par exemple dans le cadre des échanges Erasmus) mais aussi permettre l'accumulation de crédits tout au long de sa formation. Que reste-t-il alors du découpage des formations en années d'étude ? Quel mode d'évaluation jalonnera les acquis : une épreuve sanctionnant une année d'étude ou une évaluation individualisée par module ? Ces questions restent sans réponses.

En outre, le système des crédits ECTS porte en germe des dérives dangereuses. Il ne prévoit aucune des garanties nécessaires au bon fonctionnement d'un système de modules capitalisables et laisse la porte ouverte à l'organisation désordonnée de cursus ne comportant pas d'assurance pour l'étudiant de la qualité ou de la reconnaissance de la formation suivie.

3. Le contenu des formations : l'instrumentalisation progressive des études

Le discours récurrent sur "l'employabilité" est révélateur d'une évolution. On considère avant tout le système d'éducation comme pourvoyeur de ressources humaines adaptées au marché de l'emploi. Les étudiants sont pour leur part invités à évaluer la qualité de leur formation à la valorisation financière qu'ils pourront en tirer auprès des employeurs. Il y a là un dévoiement du rôle de l'école en général et de celui de l'université en particulier.

Plus précisément, le premier cycle devra faire face à deux menaces. La première est financière. En effet, la concurrence entre institutions se jouera plus autour du second cycle qui absorbera dès lors une part importante des moyens financiers au détriment de l'encadrement durant le premier cycle. La seconde concerne son rôle. Tous les discours convergent certes vers le nécessaire maintien des spécificités qualifiantes de l'enseignement supérieur de type court et l'approche plus généraliste et fondamentale de l'université. Néanmoins, on réduit le champ des apprentissages à la maîtrise d'une formation générale et disciplinaire de base et à l'acquisition de compétences et de comportements tels l'aptitude au travail en équipe et à l'auto-apprentissage, la communication et la maîtrise des technologies ou la résolution de problèmes. Ce discours est loin d'être incompatible avec une notion d'employabilité entendue comme une formation initiale minimale permettant le recyclage tout au long de la vie professionnelle de ces "managers".

Le second cycle risque pour sa part de devenir un cycle de formation d'experts enfermé dans des domaines étroits du savoir dans la mesure où il est dissocié de la formation antérieure axée sur les fondements.

Dans ces conditions, quid de la dimension épistémologique, éthique et interdisciplinaire dans la construction des savoirs et la formation des intellectuels ?

4. L'accès au second cycle menacé

L'accès au second cycle est réellement menacé en fonction d'une conjonction de facteurs.

Premièrement, la réduction de la durée des études est un objectif évident des réformes dans certains pays. L'accès au second cycle est soumis à l'obtention de grades académiques dans de nombreux pays européens dont l'Allemagne. Ailleurs, des numerus clausus sont en vigueur pour un nombre important de formations. Aussi, la pression va être forte sur la Communauté française pour qu'elle s'aligne, entre autres pour des raisons financières puisque de plus en plus d'étudiants seront tentés de faire leurs études en Belgique. Sans arrangement financier au niveau européen pour compenser ces flux d'étudiants, la marge de manoeuvre de la Communauté sera extrêmement ténue.

Deuxièmement, la pression des associations professionnelles risque fort de se renforcer encore sur les conditions d'accès aux professions et aux études qui y mènent, dans la mesure où les orientations de maîtrise seront plus précises et donc plus proches du métier sur lequel elles débouchent que nos licences actuelles.

Troisièmement, il n'y a aucune garantie en matière de financement de l'éventuel allongement des études. La pénurie chronique de financement public est la porte d'entrée d'une privatisation en douceur de certains types de formations.

Enfin, la nouvelle architecture rend caduque le décret "passerelles". Avec l'allongement du premier cycle, le passage des Hautes Ecoles vers l'université sera inévitablement plus difficile encore, alors que c'est une voie d'accès à l'université importante pour des populations moins favorisées.

5. Diplômes, accréditation et reconnaissance des formations antérieures : l'éviction de l'autorité publique

On assiste à la dissociation programmée de la l'attribution des diplômes légaux, de leur accréditation et de leurs débouchés. En effet, l'accréditation, c'est-à-dire la certification de la valeur du diplôme attribué par telle ou telle institution serait du ressort d'un organe "indépendant". Rien ne garantit aujourd'hui que cet organe soit public. Au contraire, des organes d'accréditation privés existent déjà. A fortiori, personne ne peut s'exprimer sur les critères qui seraient retenus pour juger de cette accréditation, et par là influer sur les contenus des enseignements jugés dignes d'être dispensés. Par ailleurs, au niveau européen, l'accès au second cycle serait laissé à l'appréciation de l'institution diplômante en fonction de l'évaluation individuelle qu'elle ferait des parcours suivis par les étudiants. Autrement dit, il n'y aurait aucune garantie publique sur la qualité des formations suivies ni sur ses débouchés.

Ainsi, à l'inverse du discours sur la compatibilité des systèmes, on va assister à une hiérarchisation croissante des filières et des institutions en fonction de leur prestige et de leurs moyens financiers. La constitution de réseaux concurrents d'institutions reconnaissant mutuellement leurs curricula est aussi prévisible.

Conclusion

L'harmonisation européenne telle qu'elle se dessine aujourd'hui, sous couvert d'uniformisation des structures, va entraîner une dualisation croissante de l'enseignement supérieur en multipliant les mécanismes de sélection et de relégation entre institutions d'enseignement. Cette tendance est renforcée par l'éviction systématique de la régulation publique. En s'abandonnant ainsi progressivement et sans mot dire aux contraintes du marché, l'université pourrait bien y perdre une partie de son âme. Le mouvement étudiant ne peut ainsi que s'opposer à un processus qui détruit progressivement ce que l'on prétend défendre : le service public, pour construire ce que l'on prétend redouter : un enseignement purement concurrentiel et élitiste.

Mais il nous faudra aussi dépasser cette nécessaire opposition en construisant notre harmonisation européenne, bâtie sur d'autres prémisses.


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