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Article paru dans La Savate n°247, lundi 15 octobre 2001

Edito
Non à la guerre
par François SCHREUER

Nous vivons une époque surréaliste. Mondialement surréaliste. L'Occident tout entier, mené par ses anglo-saxons et historiques leaders s'en va aujourd'hui en aujourd'hui guerre "contre le terrorisme", une sorte de guerre sainte en fait. Tout le monde est content. Et une population parmi les plus pauvres de la planète, éprouvée par 20 ans de combats incessants, va avoir l'insigne honneur de se prendre sur la face quelques kilotonnes de bombes bien-pensantes. Tout cela, parce qu'elle a le malheur d'être soumise à un régime totalitaire qui protège une personne soupçonnée d'être à l'origine des attentats qui ont frappé les USA le 11 septembre dernier.

Et l'on assiste à une grandiose réhabilitation de la loi du talion. Une solution diplomatique à la crise ? Ben Laden devant une cour internationale ? Que nenni. On va lui rendre la monnaie de sa pièce, oui. Et déploiement d'une violence massive au sein d'une des poudrières du monde. C'est bien plus facile. Et tout le reste ne sera que "dommages collatéraux".

Une sorte de grande polarisation du monde, en somme, entre le "bien" et le "mal". Tous les puissants se radicalisent. Plus moyen de trouver un modéré, un pacifiste dans le "concert des nations", si ce l'est à l'ONU dont tout le monde se fout. Et le clivage qui sépare ces deux mondes n'entre pas dans nos grilles d'analyse habituelles. Gerärd Schröder n'hésitait pas à faire appel à la notion de "civilisation" pour le caractériser. Il me semble personnellement que la richesse est malheureusement un critère bien plus discriminant en l'occurrence.

On voudrait nous faire choisir ? D'un côté, l'Amérique, coincée dans ses valeurs conservatrices, dotée d'un président qui est l'un des hommes d'état les plus réacs de planète, qui, dominante sur tous les plans, culturel, militaire, économique, politique..., s'est rendue coupable depuis des décennies d'une politique étrangère criminelle, ayant pour seul but d'asseoir la domination américaine sur le monde et dénuée de toute dimension éthique autre que ce que la communication exige. De l'autre, un fondamentalisme religieux tout aussi haïssable. Les talibans sont des fachos. Leur vision du monde n'est sans doute pas fondamentalement éloignée de celle de l'extrême droite. C'est du "chacun chez soi, et le monde tournera mieux".

C'est un choix impossible dans lequel on voudrait nous faire entrer, médias aidant. Le vrai choix, courageux, c'est celui d'une solution diplomatique et négociée dans le court terme. C'est, dans le long terme, celui d'une véritable prise en compte des problèmes du Tiers Monde, à commencer par la pauvreté, qui est à l'origine de beaucoup de choses. C'est l'abolition de la dette du Tiers Monde, une aide massive au développement et un respect réel pour les hommes et les femmes du Sud. Car les deux modèles qu'on nous propose n'ont ni l'un ni l'autre quoi que ce soit à voir avec l'idée, belle, d'un monde d'échanges multiculturels, d'égalité entre le Nord et le Sud, d'une mondialisation humaine.