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Article paru dans La Savate n°252, lundi 19 novembre 2001

Roulez jeunesse !

Si la plupart d’entre vous profitent allègrement d’un kot, certains prennent le bus matin et soir, cinq fois par semaine. Un voyage qui s’assimile souvent à une véritable aventure. Récit.

Vendredi 18h. Fin de semaine. J’attends le bus. Mon bus. Déjà cinq ans que j’y risque ma vie. Un bail. J’en suis fatigué. J’ai (et non "je suis") beau être un adepte de la bouteille à moitié pleine, il m’est malaisé d’apprécier la présente situation. Les hallebardes tombent en effet à un rythme à faire pâlir d’envie Igor Cavalera lui-même. Et impossible de s’abriter si l’on veut bien se placer.

Car l’objectif, c’est la pole position à l’arrêt. Pas question d’investir le cercueil en dernier et de rester debout durant le trajet. Non. On se bouscule donc. On joue des coudes. Une vraie guerre. Froide comme le temps.

Le voilà. Le bus arrive et c’est parti. Une porte chacun. Abonnés à gauche ; occasionnels à droite. Gare à celui qui dérogerait à la règle. De toute façon, si tel était le cas, un regard haineux, une remarque médisante et tout rentre dans l’ordre.

Une fois à l’intérieur, ça se corse. C’est la course aux places. Dépassements impossibles. Interdit de faire demi-tour. Tant bien que mal, je gagne mon Eden du moment. Bien joué. Ma voisine ne fait pas d’excédent volumique. Heureusement.

Ca démarre. En retard, comme à l’accoutumée. L’air est moite. Les effluves fleurent bon la sudation. Quand ce n’est pas le chien mouillé. Je ne suis pourtant pas au bout de mes souffrances. C’est le fou qui est au volant.

Sorte de croisement entre Thierry Boutsen et Virginie de Megamix, il me fait peur. A juste titre. Tant qu’il se contente de rouler en repoussant continuellement les lois de la physique, ça va encore. Mais quand il coupe la radio et met sa cassette, ça devient réellement malsain. Parfois je me demande si ce n’est pas sa petite-fille qui lui fait ses compilations. Au programme du jour : Anastacia, Robbie Williams, De Palmas, Hélène se perdit, ou plutôt Ségara, Craig David... Pitié. Je n’en ai plus pour longtemps.

L’autoroute. Occasion rêvée pour le chauffeur d’endosser sa combinaison de chauffard. Roulez jeunesse. Prise de vitesse. Bonjour détresse. Où ai-je mis mon chapelet ? Les rares routiers que le bus parvient à déborder sont médusés. Se faire doubler par le TEC, quelle honte.

Enfin la sortie. On retrouve cette vieille chaussée. Limitation à 90 km/h. La mort n’en sera que moins violente. Plus que dix minutes. C’est long. Encore un virage. Il est réputé dangereux. On va voir.

Ouf. Ce n’était pas pour cette fois. Le bus s’arrête. J’en descends. Il fait bon. Dans le ciel, une éclaircie. Un signe divin, plutôt. Au fait, c’est quand la prochaine grève ?

L’homme Bus Man