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Article paru dans La Savate n°264, lundi 18 mars 2002

Edito
Je suis pour, je vote contre. Qui dit mieux ?
par François SCHREUER, Mathilde COLLIN

Mardi dernier, la commission de l'Intérieur du Sénat devait se prononcer sur le droit de vote des étrangers hors Union européenne aux élections communales. L'occasion était rêvée de renforcer le suffrage universel - droit fondamental, un parmi d'autres - dans une société trop souvent polluée par des actes de racisme et autres discriminations socio-culturelles. Résultat du vote ? 6 pour et 9 contre. Et pourtant, parmi les opposants, 2 pour : les 2 voix du PRL. Allez comprendre.

Philippe Monfils (PRL) nous explique que son parti soutient le principe du droit de vote des étrangers, que celui-ci devra d'ailleurs être voté pour les prochaines élections communales en 2006, mais qu'il était "contraint de voter contre" pour éviter de mettre en péril la cohésion du gouvernement.

Cette attitude nous paraît hypocrite. Non seulement parce que le PRL a fait campagne sur le sujet - Daniel Ducarme s'était par exemple présenté aux dernières communales en compagnie de plusieurs (anciens) étrangers -, mais surtout parce qu'elle laisse planer un gros doute sur la sincérité des bleus : on se demandera encore longtemps si les (nombreuses) voix qui s'étaient exprimées contre dans les rangs libéraux n'ont pas finalement obtenu gain de cause.

Au-delà du symbole, l'enjeu n'était pourtant pas bien grand : le seul niveau de pouvoir dont il retourne est le niveau local tandis que l'impact d'une telle mesure sur les équilibres électoraux est dérisoire. Alors quoi ? Une telle position est-elle digne d'un parti démocratique ? Tout cela pour ne pas risquer de froisser quelques décideurs d'un homologue flamand particulièrement crispé ? Ou pour assurer le prochain poste de Premier ministre à Louis Michel ?

Toujours est-il que le refus manifesté par le PRL et le VLD font clairement le lit de l'extrême droite flamande. En choisissant de suivre les pulsions les plus sombres d'une partie de l'électorat plutôt que d'expliquer, les libéraux les renforcent, quoi qu'ils en disent. Il paraît peu probable que la question soit remise à l'ordre du jour du Sénat sous cette législature. Le droit de vote des étrangers se trouvera alors de facto au coeur de la campagne électorale en Flandre aux prochaines législatives. Sur un plateau d'argent. Le Vlaams Blok n'en demandait pas tant.

ECOLO et le PS ont quant à eux ont déjà annoncé que le droit de vote des résidents étrangers non-européens sera une condition sine qua non de leur participation au prochain gouvernement. On ne demande qu'à les croire.

Il est grand temps que certains de nos gouvernants prennent acte de la multiculturalité des populations belge et européenne et qu'ils développent des politiques sociales et culturelles d'ouverture et de respect mutuel, plutôt que de s'enfermer dans des considérations archaïques. La situation d'une partie de l'opinion publique flamande nécessite un travail conséquent d'information et de sensibilisation aux droits de chacun. Il en va de la cohésion sociale de notre pays, défi qui devra aussi être relevé au niveau européen.