Article paru dans La Savate n°276, mardi 12 novembre 2002 Des impasses chez les vétérinaires par Gilles VERNIERS
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La situation que vivent les étudiants en facultés vétérinaires aujourd’hui est à ce point préoccupante que le principe de la sélection semble y être acquis à la fois par les responsables administratifs et académiques et par les étudiants. De fait, le discours alarmiste tenu par l’ensemble des acteurs concernés conduit assez logiquement à cette conclusion. Des locaux exigus et engorgés, un manque d’encadrement et une carence de cas cliniques (il n’est pas rare qu’il y ait six étudiants pour castrer un chat, par exemple) rendent les conditions d’étude de plus en plus précaires et la réduction du nombre d’étudiants à l’entrée des " docs " (équivalent des licences) semble être le meilleur moyen pour enrayer la perte de qualité des formations proposées (perte déjà sensible, puisque la faculté vétérinaire de Liège – la seule en Belgique francophone à organiser les docs - est menacée de se voir retirer son accréditation, ce qui enlèverait toute valeur aux diplômes qu’elle délivre).
Attendu qu’il n’est pas envisageable, pour des raisons budgétaires entre autres, de créer une autre école de vétérinaires en Belgique francophone, la seule option est donc de limiter l’accès aux études de vétérinaires.
Face à l’urgence de la situation, la situation est plutôt bloquée pour qui veut défendre le principe de la liberté d’accès aux études supérieures. A première vue, deux attitudes sont possibles.
La première consiste à accepter le principe de la sélection et à réfléchir sur la forme que celle-ci pourrait prendre, de manière à limiter les dégâts. La première solution possible mais immédiatement rejetée est l’instauration d’un numerus clausus, à l’image de ce qui se fait en médecine, en dentisterie ou en kiné. Option immédiatement rejetée car il serait détestable de sabrer dans les rangs des étudiants, tout en sachant que certain d’entre eux ayant réussi mais ne se situant pas en " ordre utile " se verraient refuser l’accès aux docs. Par ailleurs, il serait assez vicieux de pousser un maximum d’étudiant à entrer en candidature (pour obtenir des financements par exemple) tout en sachant qu’un nombre très limité d’entre eux pourra continuer à Liège. L’autre option, qui semble être retenue pour l’instant, est la mise place d’un examen d’entrée. La ministre Dupuis et les responsables des écoles de vétérinaire y sont clairement favorables. Cela permettrait d’introduire une sélection nécessaire de la manière la plus "éthiquement correcte", ou si on préfère de la moins mauvaise manière (en tout cas par rapport à un numerus clausus). Reste à savoir à quel moment du parcours des étudiants cet examen sera mis en place. On pencherait plutôt pour un examen au terme de la première année, ce qui permet d’aplatir dans une mesure (incertaine mais non négligeable) les différences de départ entre étudiants (étant entendu que les étudiants français – 60% des effectifs - sont davantages plongés dans une logique de concours, ont pour certains d’entre eux des formations préalables – en biologie p.ex. - et seraient donc considérablement avantagés par rapport aux rhétoriciens belges si cet examen devait se situer à l’entrée). Cela permettrait également de conserver une relative liberté d’accès pour la première année.
La deuxième attitude consiste par contre à souligner les effets de biais qu’introduisent tout type de système de sélection (les problèmes généraux liés à la sélection, comme l’entérinement des inégalités de départ) et à rester attaché coûte que coûte au principe de la liberté d’accès en arguant, par exemple, que l’introduction d’un examen d’entrée en vété pourrait faire jurisprudence et pourrait en conséquence inspirer d’autres facultés à faire de même.
Toutefois, cette deuxième attitude est loin d’être satisfaisante, car elle ne répond pas aux problèmes que connaissent les étudiants vétérinaires aujourd’hui.
Comment alors, pour qui reste attaché à la liberté d’accès, sortir de cette impasse ? Nous ne vivons pas dans un monde binaire et toutes les situations ne se réduisent pas à des dualismes indépassables ; en vertu de quoi il est possible de trouver une attitude alternative.
En premier lieu, il s’agit bien de rester fidèle au principe de la liberté d’accès parce que c’est un bon principe (non-encore invalidé par des faits empiriques). Il importe par ailleurs de conserver une vision globale du paysage de l’enseignement supérieur en Belgique francophone de manière à pouvoir déceler les grandes tendances qui l’animent et le transforment. Ce qui se passe dans une faculté affecte les autres. Départissons-nous de l’esprit de clocher qui persiste encore de trop dans certaines facultés (les vétérinaires n’étant d’ailleurs pas les seuls concernés).
Ensuite, il faut entamer la discussion sur les prémisses du discours des vétérinaires et autres acteurs concernés. On l’a dit, la nécessité d’introduire la sélection est une conclusion logique de ce discours. Nous ne le nions pas.
Cependant, ne faudrait-il pas plutôt regarder en amont, plutôt que de partir du fait accompli ? Le chiffre arrêté pour l’accès aux docs serait de 180 étudiants, pas un de plus, pas un de moins. L’infrastructure et le nombre limité de cas cliniques, ajouté à la pléthore de vétérinaires qui serait déjà en exercice impose un tel chiffre.
Fondamentalement, la question de l’infrastructure et de l’encadrement est une question de financement et d’allocation budgétaire. Le refinancement de la communauté française est une revendication pluri-décennale du mouvement étudiant et les budgets restent votés chaque année. Une pression est possible sur ce dernier point.
Pour ce qui est des cas cliniques, la question est plus délicate. Il est en effet difficilement envisageable de demander à la profession – libérale – de céder une part de leurs cas cliniques à des étudiants considérés comme de futurs concurrents. Des accords transfrontaliers avec la France pour acheminer des bêtes malades d’au-delà nos frontières est une autre possibilité. Un accord de principe a été conclut récemment entre la Fédération des étudiants francophones (Fef) et le Ministre Happart de l’agriculture, lequel s’est engagé à prendre contact avec son homologue français pour voir ce qu’il y a lieu de faire. Il est bien entendu très difficile d’évaluer le crédit que l’on peut accorder à de tels engagements (et encore plus difficilement envisageable d’espérer un geste de solidarité des autorités françaises à l’égard des facultés belges accueillant leurs " transfuges "). Autre difficulté : même si on trouve de nouveaux cas, il n’y a pas l’infrastructure nécessaire à Liège pour les accueillir (ce qui nous ramène au point précédent).
Pour ce qui est du nombre de professionnels requis pour un secteur donné, le problème reste toujours celui de qui le détermine. Au niveau des vétérinaires, rien n’est sûr. Il existe, pour la médecine, une commission fédérale de planification dépendant du ministère de la santé, composée de représentant des gestionnaires de la sécu, de représentants de la profession médicale, de certains doyens des facultés (pas tous) et de représentants du ministère de la santé. Pour les vétérinaires, rien de tout cela. Confier cela au collège des vétérinaires ? Il est douteux de laisser aux professionnels déjà en place le soin de déterminer le nombre de futurs concurrents qui devront être formés. Si cela doit se faire, cela doit être de manière concertée avec l’ensemble des acteurs concernés.
Ce bref exposé de la situation serait incomplet si on ne le replaçait pas dans un contexte plus large, qui est celui de l’harmonisation de l’enseignement supérieur en Europe. Interpellées sur le sujet par les étudiants, les autorités de l’UCL se sont prononcées en faveur d’un règlement supra-national de la question (n’oublions pas qu’avec le nombre d’étudiants français présents en facultés vétérinaires, la question est d’emblée " internationale ").
Dans la mesure où la Belgique est quasi le seul Etat européen à avoir à ce jour un système de libre accès pour les études vétérinaires, il y a de grandes chances pour que l’harmonisation se fasse dans le sens de la sélection. Et en tout état de cause, cela ne répond pas à l’urgence de la situation actuelle.
Achevons maintenant cette présentation qui n’appelle pas pour l’instant à une conclusion offrant solution par deux observations. On limiterait tout d’abord le nombre d’étudiants pour des raisons budgétaires, ce qui pose tout de même problème. Il n’y pas par ailleurs d’autorité compétente à ce jour pour déterminer le nombre d’étudiants adéquat au niveau de la profession (pourquoi 180, pourquoi pas 190 ?). Ensuite, On est en train de mener une politique basée sur le fait accompli (ou ressenti comme tel), alors qu’il est permis de penser que l’on n’a pas encore épuisé les voies alternatives en amont.
A chacun donc, enseignant, étudiant, mandataire politique, de prendre ses responsabilités pour assurer un enseignement de qualité accessible à tout ceux qui le souhaitent et en ont la capacité.
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