Article paru dans La Savate n°279, jeudi 12 décembre 2002 Sanctus academicus ordo Une touche de romantisme au pays de la nostalgie... Du temps où c'était le bon temps... par Oscar WILDE
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Un lundi de novembre, au Sénat académique. Jour de Conseil. Ils sont tous là, en rang d'oignons : les doyens, les représentants des corps, l'administratrice générale... Pas moyen de manquer le recteur, assis au centre ; le crâne sec, entre nervosité et sentiment de routine. Un peu sur le côté, deux étudiants sont peut-être en train d'achever un sandwich. La salle est grande. On veut qu'elle soit somptueuse : des tentures voilent des murs de béton nus et la table de réunion est démesurée. Le Conseil académique peut commencer.
Ce jour-là, le programme est chargé. Le recteur fait rapport des activités des autorités universitaires, rapidement. Parions : acidités destinées à l'incurie de la Communauté française, compte-rendu de la dernière réunion du Conseil des Recteurs de Communauté française, dossier "Bologne" - incompétence quasi revendiquée de l'assistance -, remarques sur l'état des finances de l'UCL (auxquelles répondraient peut-être les questions éparses des doyens)? L'AGL se fait claquer la porte au nez lorsqu'elle évoque l'extension de la participation étudiante dans les organes internes de l'université - l'habitude, quoi. Le recteur s'échauffe un peu. Il possède son conseil, dispose des questions, évacue la moindre gêne. Les doyens renâcleront peut-être, mais sans un geste de trop : l'élection du prochain recteur approche ; il est trop tard pour contester l'équipe en place, et les initiatives inconsidérées se paient cash. C'est ça, la démocratie UCL. L'unité forcée sous le masque du maintien de la communauté universitaire. Consensus, feutre mou, politesse ennuyée. L'esprit de famille veut qu'aucune tête ne dépasse. Le tableau est planté. Venons-en aux faits.
A l'ordre du jour, le conseil discute des modifications qui seront apportées au programme d'enseignement 2003-2004. D'année en année, des cours disparaissent, d'autres se créent ou se modifient. Ce sont parfois des pans entiers d'année qui sont remaniés, comme en témoigne l'adoption récente du semestre polyvalent en philosophie et lettres ou la mise sur pied de "candis 2000". C'est le Conseil académique qui est chargé de délibérer de tous ces changements. Le moment est important, puisqu'il entérine les grandes inflexions politiques et pédagogiques de l'université. L'observateur décèlera sans difficultés, à la seule lecture des dossiers de modifications des cinq dernières années, le tournant utilitariste entrepris par l'université, son culte de la pédagogie des "compétences". Les lignes qui suivent en donnent un exemple parmi d'autres, qui suffirait à démontrer la cécité de certaines sphères facultaires.
Pour l'exemple, c'est la faculté de Droit que nous avons voulu mettre à l'honneur. Comme toutes les autres, elle doit participer aux efforts d'économie de l'université, limiter son offre de cours. Ses programmes doivent pouvoir s'adapter aux réformes européennes de l'enseignement supérieur. Comme le revendiquent les textes internationaux (1), son premier cycle doit offrir la possibilité à l'étudiant d'être "employable" sur le marché du travail : les cours généraux doivent être rationalisés. En outre, son deuxième cycle comporte trop de séminaires. Le 25 novembre 2002, on dégraisse ! La faculté de Droit propose de supprimer les séminaires de théorie générale de l'Etat et le séminaire "Droit, temps et changement". Elle veut aussi réduire le volume horaire du cours de droit romain à 75 heures/semaine.
Les propositions de suppression s'expliquent sans doute par le contexte budgétaire. Il n'en demeure pas moins qu'elles écornent sérieusement l'image humaniste que la faculté de Droit voudrait donner. Le cours de droit romain, par exemple. Plus que n'importe quel autre, celui-ci donne à l'étudiant en droit le tissu dont il a besoin pour comprendre l'esprit juridique. Apprentissage du raisonnement, principes de base... Les 120 heures dont je disposai lors de ma première candidature suffisaient à peine à humer la matière. Son volumineux titulaire aidait à le rendre passionnant. Recueillons-nous sur la tombe du seul, du vrai, de l'ancien cours de droit romain, de son Hanard houblonné, misogyne, commentateur spécialiste de la défense en pare-choc de l'équipe nationale de foot d'Angleterre. Septante-cinq heures pour faire comprendre le droit n'aideront pas à faire remonter le taux d'échec en première candidature. Gageons que le recteur y trouvera des arguments supplémentaires à l'établissement de son BAC.
En licence sinon, la situation n'est pas plus encourageante. On imagine de supprimer le séminaire de théorie générale de l'Etat et le séminaire "Droit, temps et changement", destinés à tracer des perspectives interdisciplinaires sur le champ juridique. Les étudiants de la faculté avaient déjà droit à une vision dix-neuvièmiste du droit constitutionnel, à un département de droit social sous-financé et à l'évincement progressif des cours de théorie générale et de philosophie du droit. Il était difficile pour l'étudiant curieux d'entamer des chemins de traverse, quelque part entre le droit civil et commercial, et l'écueil (2) Delpérée. Il devra désormais se passer de l'enseignement de théorie générale de l'Etat, ainsi que du dialogue avec l'un des spécialistes internationaux de la théorie du droit. La politique, la littérature, l'ordre public international, la dérégulation des rapports sociaux et économiques poseraient-ils des questions à ce point insignifiantes qu'elles doivent être rejetées hors de l'enseignement juridiques ? La faculté de Droit est-elle vouée à former des étudiants-automates, uniquement préoccupés de leur survie scolaire ? Les suppressions annoncées conservent peut-être un caractère ponctuel: elles donnent pourtant l'image d'une université qui, sauf pour les besoins de sa charte et les opérations publicitaires de ses chaires privées, prend insensiblement un tournant instrumental.
Je lisais, il y a quelques jours, quelques pages émouvantes sur le droit, la vie qu'il porte en lui, les rapports sociaux qu'il permet, limite et suscite. Un droit joueur, incarné, humain, qui réconciliait presque des syllabi abrutissants et de l'enseignement sans âme de la faculté. Ce sont pourtant ces pages que les autorités facultaires comptent tourner définitivement... Le progrès fait rage. (1) Pointons le rapport Attali, la déclaration de la Sorbonne, le rapport de la Convention de l'EUA à Salamanque.
(2) L'étudiant en droit conviendra que le mot reste faible.
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