Collectif Liégeois Contre la Vidéo-surveillance

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Matthieu Boivin

Souriez, vos papiers sont filmés...

samedi 19 janvier 2008

La pratique de certains bars de Québec qui consiste àprendre en photo ou àfilmer la carte d’identité de leurs clients inquiète la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) et la Commission d’accès àl’information du Québec.


Voir en ligne : Le Soleil

À Sainte-Foy, le Star Bar installé dans la Pyramide, à quelques pas des cégeps Saint-Lawrence et de Sainte-Foy, a adopté cette façon de travailler depuis environ six mois, explique David Blanchette, un des cinq propriétaires de cet établissement.

« En matière de mineurs dans les bars, la Régie des alcools, des courses et des jeux est très sévère et demande aux propriétaires de bar de prendre tous les moyens afin de s’assurer qu’il n’y ait pas de jeunes âgés de moins de 18 ans dans notre établissement, indique M. Blanchette. En prenant la photo du permis de conduire ou de la carte d’assurance maladie de chacun de nos clients, nous serions en mesure de prouver à la Régie que nous avons “carté” tous les jeunes dans le bar si les policiers venaient à trouver des mineurs dans notre établissement lors d’une descente. »

M. Blanchette avance que ce système lui permet d’identifier les clients qui causent des problèmes et de faire circuler leur photo parmi les portiers.

« Nous ne faisons circuler que la photo de la carte d’identité et nous gardons les renseignements personnels pour nous, les patrons du bar, précise M. Blanchette. Nous éliminons toutes les photos des cartes environ une dizaine de jours après la visite du client. »

À la discothèque Chez Dagobert de la Grande Allée, un système du genre a été mis en place depuis plus de deux ans. Au lieu de prendre des photographies, les portiers de l’établissement demandent aux clients de placer leur carte d’identité à côté de leur visage quand ils pénètrent dans le bar. Une caméra vidéo filme le défilé en continu.

« Nous n’agissons pas toujours ainsi, mais seulement pour les soirées où les risques de grabuge sont plus élevés, notamment pour les soirées hip-hop, affirme Yann Latouche, administrateur de cet établissement. Seuls les gérants et le chef de la sécurité ont accès aux enregistrements, qui seront transmis aux policiers seulement s’ils doivent intervenir chez nous afin de procéder à des arrestations pour des agressions graves. »

Une approche très similaire est aussi en fonction au Palace depuis l’été dernier, souligne André Plamondon, gérant de ce débit de boisson. Une enquête de la CAI est d’ailleurs en cours sur cette pratique du Palace.

« Nos caméras de surveillance filment tous les clients à leur entrée, indique M. Plamondon. Quand le client semble jeune ou si on le soupçonne d’être un type à problèmes, on place sa carte d’identité vis-à-vis l’objectif d’une caméra vidéo pour enregistrer ses données personnelles.

« Quand il y a des descentes, les mineurs ont l’habitude de jeter leurs fausses cartes au sol et de dire que les portiers ne les ont pas “cartés”. Avec nos enregistrements, on peut prouver le contraire. »

M. Plamondon avance qu’aucun de ses employés n’a accès aux renseignements personnels des clients, même pas lui. « Seule notre compagnie de sécurité peut avoir accès aux données de la caméra, si nous en avons besoin pour nous défendre devant la Régie. Quand nous avons mis en place cette approche, nous avons eu beaucoup de plaintes de nos clients, et je les comprends. Mais ils n’ont pas à s’inquiéter pour leurs renseignements personnels. Ils sont rapidement éliminés du système. »

Malgré toutes ces bonnes intentions, la RAMQ compte envoyer une lettre aux propriétaires de ces bars afin qu’ils cessent cette pratique. « Qu’est-ce qui est fait de ces renseignements à la fermeture du bar ? demande Marc Lortie, responsable des relations de presse pour la RAMQ. Je ne veux pas dire que ces tenanciers de bar sont mal intentionnés, mais nous sommes quand même préoccupés par les questions d’usurpation d’identité et de fraude. »

À la CAI du Québec, on avance que le résultat de l’enquête qui est en cours dans leurs bureaux devrait être complétée « au cours des prochains mois ». En plus du Palace, un bar dans la région de Saint-Jérôme se trouve également dans le collimateur du CAI dans le contexte de cette enquête. Celle-ci a été ouverte à la suite de plaintes de citoyens.

À la conclusion de cette enquête, la CAI pourrait forcer les tenanciers de bar visés par cette même enquête à cesser cette pratique, si elle la juge inacceptable, indique Caroline Doucet, agente de recherche en droit de la CAI.