Warning: Undefined variable $request_uri_reel in /home/clients/f61b1c4abc049173e0b139414b87511f/sites/archive.agora.eu.org/savate/header.inc.php on line 46 ![]() Warning: Undefined variable $request_uri_reel in /home/clients/f61b1c4abc049173e0b139414b87511f/sites/archive.agora.eu.org/savate/header.inc.php on line 46 Article paru dans La Savate n°260, lundi 18 février 2002 Grand catalogue des petites réflexions sur la pédagogie à l'université Warning: Undefined variable $cadre_texte in /home/clients/f61b1c4abc049173e0b139414b87511f/sites/archive.agora.eu.org/savate/calcul-article.php on line 74 Warning: Undefined variable $imprimer in /home/clients/f61b1c4abc049173e0b139414b87511f/sites/archive.agora.eu.org/savate/calcul-article.php on line 85
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Depuis quelques temps, à l'université comme dans l'enseignement secondaire, le terme "compétences" est devenu très à la mode. C'est enfin la réalité profonde, l'objectif final, la véritable quête du Graal de toute démarche pédagogique qui se dévoile sous nos yeux : acquérir des "compétences". En bon sceptique, interrogeons cette nouvelle mode.
Il est intéressant de constater qu'un curieux consensus s'établit autour de ce vocable entre les recommandations des pédagogues et les attentes du monde de l'entreprise et des futurs employeurs vis-à-vis de l'enseignement.
Les premiers voient dans la compétence le résultat d'une démarche d'enseignement centrée sur le projet de l'étudiant. Celui-ci, confronté à une situation nouvelle et stimulante, développerait de lui-même des compétences pour mener à bien son projet. Cette démarche serait en même temps plus efficace et plus épanouissante, du moins si l'étudiant s'identifie au projet qu'il est amené à développer. Les seconds voient dans cette démarche une attitude fort compatible avec les exigences professionnelles et le discours sur le management des ressources humaines. L'élève serait dès l'école amené à se donner des défis, à mettre en oeuvre des moyens pour le rencontrer, à internaliser les contraintes d'une situation donnée dans un cadre d'autonomie, à travailler en groupe, bref à se préparer beaucoup mieux au marché de l'emploi en développant se qu'on appelle son "employabilité". Devons-nous nous réjouir de cette réconciliation entre deux mondes souvent opposés ?
Quelques remarques préalables s'imposent.
Tout d'abord, le terme même de compétence demeure flou et ambigu. On y retrouve en filigrane une opposition récurrente dans l'histoire des théories pédagogiques. Pour les uns, seul un apprentissage basé sur l'expérience concrète est digne de l'édification d'un esprit bien formé. Pour les autres, c'est de la compréhension en profondeur de différents systèmes de pensées que naissent l'éducation et la capacité de développer soi même sa manière de penser. Les compétences semblent valoriser le premier volet. A mon sens pourtant, les deux approches sont indispensables. D'une part en effet, Les problèmes concrets sont éclairés par l'apport des systèmes théoriques. Comment prétendre sérieusement adopter une démarche sociologique sans avoir jamais étudié Durkheim ou Weber ? Et à l'inverse, la théorie prend son sens autant qu'elle démontre ses limites quand elle est confrontée à la réalité. Les approches des deux grands maîtres à penser de la sociologie apparaissent alors l'une comme l'autre partiellement insatisfaisantes.
L'approche théorique ne peut par conséquent être réduite à une boîte à outil ou à un manuel de recettes à exploiter suivant les circonstances. C'est au contraire le va et vient entre théorie et pratique qui est créateur. C'est là l'intérêt de la démarche scientifique au sens large. Et c'est là la mission première de l'université. Celle-ci ne peut se limiter à offrir à ses futurs étudiants des modes d'acquisition de vagues compétences sociales, rassemblant en vrac des dispositions générales de résolution de problèmes sous contraintes et quelques outils disciplinaires à appliquer dans certaines circonstances.
Si une pédagogie centrée sur des projets a l'énorme avantage de valoriser les centres d'intérêts de l'étudiant comme de cultiver une attitude de découverte et de créativité, il faut impérativement veiller à ce que l'autonomie dans la démarche d'apprentissage profite vraiment à tous. En effet, tous les étudiants doivent être amenés à progresser, y compris ceux qui disposent de moins d'atouts au départ (qu'on les appelle compétences, culture générale, savoir-faire, ou quelque autre jargon du même acabit) Ce qui nécessite un encadrement important et compétent. Sans quoi, seuls les mieux pourvus risquent de tirer bénéfice et motivation du système.
Enfin, on peut se demander s'il n'existe pas une contradiction entre la vision pédagogique et la vision employabilisante. La première suppose, pour fonctionner, une certaine gratuité de l'engagement de l'étudiant. C'est le plaisir d'apprendre qui est à la fois pré-supposé et encouragé. A l'inverse, derrière la vision du monde extérieur à l'école, pointe une exigence de rentabilité non seulement de l'école mais aussi des comportements de ceux qui y sont formés.
La question n'est certainement pas épuisée. Mais elle montre que derrière un discours consensuel et quasi idéologique, on découvre différentes conceptions du savoir et de l'école. Sachons donc poser les questions qui vont au delà des simples effets de mode.