La descente aux enfers
Beaucoup se demandent aujourd'hui si l'Est du Congo n'est pas maudit. Depuis dix ans, le Congo connaît dans sa partie Est, presque tous les deux ans, un événement malheureux.
Depuis 1992, au lendemain des pillages qui ont donné le coup de grâce à une économie déjà agonisante causée par 30 ans de règne sans partage du défunt Maréchal MOBUTU, de sérieux conflits ethniques déchirent cette partie du pays.
Deux années plus tard, en 1994, suite à un conflit dont on parle encore aujourd'hui, plus de deux millions de Rwandais ont fuit leur pays pour se réfugier au Congo. Cet exode a provoqué au Congo des conséquences qui continuent à subsister jusqu'à ce jour : à partir de ce moment, le Congo n'a plus connu la paix, surtout pas dans sa partie Est.
En 1996, c'est la première invasion des troupes rwandaises au Congo, avec comme paravent Kabila-père. Cette guerre qui entraînera, certes la fin de trente ans de règne sans partage de Mobutu, n'est pas sans un arrière goût amer. En réalité, les militaires rwandais ne sont pas entrés au Congo pour chasser Mobutu mais pour poursuivre les autres Rwandais réfugiés au Congo en 1994 et profiter des richesses inestimables de ce pays. Des massacres et autres atrocités se commettront sur les populations civiles au Congo. C'est le début d'un autre type de calvaire que va connaître le pays, un calvaire qui n'a rien à voir avec la crise économique causée par le régime de Mobutu : vive la barbarie !
Deux années après, en 1998, les mêmes troupes rwandaises qui avaient emmené Kabila-père, se retournent contre lui et montent d'autres Congolais. Plus de trois millions de Congolais sont massacrés depuis l'époque, victimes de pires atrocités imaginables. En 2001, c'est le décès par mort violente de Kabila-père. Ce drame plonge le Congo dans une psychose : tout le monde pense que cette fois ci le Congo ne résistera pas, il va exploser. Mais, il n'en est rien : jusqu'à ce jour ce pays reste un.
La colère du Nyiragongo
Nous voilà en janvier 2002, à l'Est du Congo, c'est toujours la terreur et l'incertitude du lendemain avec l'occupation toujours présente de l'armée rwandaise et son lourd lot de massacres et pillage des ressources du Congo.
Le volcan Nyiragongo décide d'entrer dans la danse de la mort : il se décide à cracher sur Goma une grande partie de ce qu'il a encore dans son ventre. Situé à une dizaine de kilomètres au Nord de Goma, au bord de l'énorme parc naturel des Virunga, ce volcan ne s'est jamais éteint. Sa dernière éruption d'envergure date de 1977, mais elle n'avait pas touché Goma de manière aussi grave. D'autres éruptions ont eu lieu par après, mais souvent les laves se dirigeaient vers le parc national ou coulaient dans le lac empruntant des chemins souterrains de Goma et de ses environs.
Le 16 janvier, Goma connaît des secousses inquiétantes, apparemment c'est le volcan qui gronde, mais vu que cela arrive souvent, on se demande si cette fois-ci ça sera plus grave. Les autorités locales, "se faisant passer pour une rébellion" multiplient les messages d'apaisement à la radio demandant à la population de ne pas s'inquiéter. Mais dans l'après-midi du 17 janvier (Anniversaires des décès de Lumumba et de Kabila père) les laves commencent à descendre vers Goma : elles prennent trois directions différentes et poussent des centaines de milliers de personnes à tout laisser et à fuir pour sauver leurs vies. On peut dire que près de trois cents mille personnes sont parties se réfugier au Rwanda, que plus ou moins cent mille ont fuit vers l'intérieur du Kivu et que presque cent autres mille sont restées bloqués dans Goma, prises en tenailles par deux des coulées de laves.
Les laves ont tout emporté sur leur passage : Eglises, hôpitaux, Ecoles, édifices publics, stations d'essence, cafés, habitations, vélos, voitures, robinets, casseroles, arbres : tout est calciné, il y a comme une énorme autoroute qui s'est formée dans Goma. C'est une image apocalyptique que Goma donne au lendemain du 17 janvier, des colonnes de fumées gazeuses sortent des restes de la ville et du lac Kivu.
Le refus des congolais de rester au Rwanda
La communauté internationale se mobilise et une aide durgence est envoyée au Rwanda. Mais, contre toute attente, les Congolais réfugiés au Rwanda commencent à retourner à Goma, alors que le Volcan continue encore à gronder et que du gaz se dégager encore des débris, du nouveau cratère, et que des coulées de laves encore chaudes. La Communauté internationale essaye de dissuader la population de prendre de tels risques, mais après quatre jours, des trois cents mille réfugiés congolais, il n'en restait déjà plus qu'une dizaine de milliers dans les camps au Rwanda.
Interviewés par des médias internationaux, les rescapés donneront les raisons de leur retour précipité : ils dénonçaient le manque d'hospitalité que les Rwandais ont eu à leur égard. Lors de l'éruption, les Rwandais ont refusé dans un premier temps, d'ouvrir leurs frontières en menaçant de tirer dans le tas. Une fois au Rwanda, rien n'était offert aux Congolais: Ils devaient payer chaque verre d'eau et les toilettes, même en pleine nature. Au-delà de tout ceci, leurs inquiétudes ont été accentuées par les multiples déclarations des officiels rwandais qui prétendaient être certains de l'infiltration des rebelles Hutu armés parmi les réfugiés congolais. Les réfugiés congolais ont sans hésiter quitté le Rwanda, se rappelant que l'armée rwandaise de Kagame n'avait pas hésité à bombarder en 1996 les camps des réfugiés Hutu au Congo en prétextant la présence des milices armées rebelles interahamwe.
Les habitants de Goma sont rentrés au Congo et sans attendre l'aide de la Communauté internationale, ils ont commencé avec leurs mains, sans machine, à casser la lave pour ouvrir des brèches et mettre fin à l'enclavement d'une partie de la population. Finalement, l'aide internationale, bien que distribuée à compte goutte, s'est déplacée du Rwanda vers Goma, puisque plus de nonante pourcents des déplacés y sont retournés . Des biscuits, de la farine et de l'eau potable ont été distribués.
Tout est à refaire
Malgré tout ceci, nous ne devons pas penser que ça va mieux maintenant. Non, tout reste à faire. Comment reloger ces centaines de milliers de personnes ? Comment créer du travail à nouveau ? Qui construira des écoles, hopitaux,... ? Bref comment faire renaître la vie sur les cendres du Volcan Nyiragongo. Des projets de reconstruction sont en cours, mais pour l'instant, il y a des problèmes plus urgents: comment nourrir tous ces sans abris, comment leur donner de l'eau potable, comment faire pour qu'ils ne meurent pas de froid ?
Une récolte de vêtements s'organisent à Bruxelles jusqu'au 2 février. Sur l'initiative de plusieurs associations congolaises, une opération SOS GOMA a été lancée. Commencée à l'Ambassade du Congo à Bruxelles, 30 rue Marie de Bourgogne, plusieurs communes de Bruxelles se sont, par après, associées dans cette opération en ouvrant à leur tour des centres de récolte des vêtements pour Goma (Rue des Six jetons, 45 à 1000 BRUXELLES ; Place du jeu de Balle, 56 à 1000 BRUXELLES ; AMBASSADE de la Rép. Dém. CONGO,Rue Marie de Bourgogne, 30 à 1000 BRUXELLES ; Maison Communale de Laeken (Hôtel de Ville), Place Bockstael à1000 BRUXELLES, Nering, 33 à 1650 BEERSEL. Plusieurs volontaires viennent dans les centres et aident à trier les vêtements déposés. La Commune de Bruxelles s'est engagée à obtenir les moyens nécessaires pour l'acheminement de ces vêtements à Goma.
La véritable solidarité
Toute la solidarité actuelle est très louable mais nous espérons qu'une fois l'actualité passée, Goma ne tombera pas dans l'oubli après une telle tragédie, ni aux mains de ceux qui avant l'éruption semaient la terreur. Cette région nécessite une attention particulière de la part de tout être humain épris d'un peu dhumanisme : n'oublions pas que cette population aujourd'hui sinistrée est traumatisée, prise en otage depuis cinq ans par une occupation militaire étrangère qui sème la terreur.
Soyons solidaires en les aidant à retrouver la paix durable au-delà de l'assurance passagère qui n'est que de donner des denrées de subsistance à une population qui risque d'être massacrée demain, si on ne bouge pas.