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Article paru dans La Savate n°281, lundi 10 février 2003

Trois questions à Rodolphe Sagehomme
Un étudiant de Louvain au forum mondial de l’éducation
par Rodolphe SAGEHOMME

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Rodolphe, tu étais fin janvier au forum mondial de l'éducation, au Brésil. De quoi s'agit-il ?

Le forum mondial de l'éducation est couplé au forum social mondial, à Porto Alegre. Pendant 4 jours, à l'initiative des principales ONG ou syndicats de l'éducation du Brésil, des ateliers ont lieu sur des problématiques qui touchent l'éducation aujourd'hui au niveau mondial et au sens large. Il est ainsi question de la construction de la connaissance, du lien entre l'éducation et la cité, de la diversité culturelle, du rôle de l'état et des ONG,…Chaque matin a lieu une conférence lors de laquelle 3 ou 4 orateurs nous présentent leur point de vue, suivie d'un échange avec le public. L'après midi, on se retrouve en groupes plus restreint pour approfondir un thème plus précis. Ce qui est intéressant, c'est la confrontation entre les expériences des gens en différents endroits du monde, et de constater qu'on partage une même analyse. Il y a une forte remise en cause du tout à l'économique actuel, de politiques souvent exclusivement libérales présentées comme des nécessités techniques. Il y a une nécessité de réaffirmer le caractère essentiel de l'enseignement dans le fonctionnement de la démocratie, et de dénoncer les menaces qui pèsent sur lui, en premier lieu les tensions vers une vision utilitariste et les risques de privatisations de certains pans de l'enseignement (enseignement technique, enseignement supérieur, enseignement de l'informatique).

Quel est l'intérêt pour un étudiant de se rendre là bas ?

J'y étais délégué par la fédération des étudiants francophones pour représenter les étudiants de la communauté française. L'intérêt pour une fédération étudiante de cette ampleur est tout d'abord de chercher des appuis pour des dossiers internationaux. Je prends l'exemple de l'AGCS (accord général sur le commerce des services). Cet accord vise à libéraliser progressivement tous les services dans tous les secteurs. Ainsi l'enseignement: un certain nombre de pays (Etats Unis, Japon, Nouvelle Zélande) aimeraient voir celui-ci devenir une marchandise comme les autres. Et font pression pour qu'il en soit ainsi dans tous les pays, dont la Belgique. Il faut dès lors trouver des alliés ailleurs pour contrer cette logique qui à terme enlèverait aux états le devoir et même le droit de fournir à tous un enseignement public et de qualité. A cet effet, j'ai animé, avec deux autres intervenants, un atelier sur la marchandisation de l'enseignement. J'ai également eu l'occasion de rencontrer des représentants étudiants d'autres parties de la planète, et c'est là un deuxième intérêt de ce type de forum: s'échanger les idées, approfondir la réflexion au regard de nos expériences mutuelles.

Y a t'il un lien dès lors avec l'attitude qu'a adopté l'AGL lundi passé pour la remise des titres de docteur honoris causa ?

L'opposition de l'AGL à la remise du titre de docteur honoris causa à Pascal Lamy et, à travers lui, à ce qu'il représente, c'est à dire un certain nombre de politiques européennes, date de juillet dernier. Il n'y a donc pas de nouveauté à cette opposition. Mais il y a approfondissement, et lors de ce style de forum, on rencontre une série de gens qui nous en apprennent sur les réalités des positions européennes en négociation. Plus précisément, par rapport à la question, je dirais qu'il y a évidemment une cohérence entre le discours que j'ai tenu là bas et la position que nous avons adoptée ici lundi dernier. En particulier, sur la question du caractère public des propositions européennes: lundi dernier, le commissaire Lamy nous disait que l'offre européenne serait publique. Qu'apprenons nous deux jours plus tard? Que celle-ci ne sera communiquée qu'aux gouvernements et à certains membres du parlement européen. Ou est le caractère public dans tout cela, et la possibilité pour nous de traiter de ces questions qui concernent notre avenir ?