Si la privatisation de l'enseignement n'est pas (encore) une réalité généralisée, au sens où des firmes privées fourniraient un service d'enseignement (même si certaines niches, par exemple dans le secteur des écoles de business, sont déjà largement privatisées), la part du secteur privé est cependant en hausse constante dans le financement des universités. Plusieurs raisons permettent d'expliquer cela. Il y a non seulement les carences du financement public, réelles mais souvent invoquées de manière excessive par les universités pour justifier leurs compromissions avec le secteur privé, mais il y a surtout la dualisation des institutions dans un contexte concurrentiel qui les oblige à avoir recours au secteur privé pour financer les marges dont elles besoin pour garantir leur appartenance à l'élite.
Ces collaborations avec le secteur privé (du type "chaire RTL" à l'UCL) sont évidemment à double tranchant, puisque, si toutes choses restant égales du côté du financement public, elles permettent de développer de nouveaux secteurs d'enseignement et de recherche dont bénéficient les étudiants, elles posent par contre de lourdes questions par rapport à l'indépendance académique et à la dimensions scientifique des contenus enseignés et rendent littéralement les institutions otages de ce secteur privé qui, par le fait qu'il contrôle le financement de ces "marges d'excellences" qui déterminent la capacité d'une université à se situer ou dans le peloton de tête, tient en fait à sa merci l'université toute entière - le financement public étant lui garanti légalement.
A plus long terme, l'implantation d'importantes firmes privées dans des secteurs stratégiques de l'université - car c'est, à de rares exceptions près, dans des unités de recherche très pointues ou dans des départements représentant pour elles un intérêt stratégiques qu'elles investissent - est lourde de sens et présage de suites pour le moins effrayantes. Le contexte politique mondial vient renforcer ces craintes, par exemple à travers l'Accord général sur le Commerce des Services (AGCS, General Agreement on Trade of services, GATS) qui, dans le cadre de l'organisation mondiale du Commerce (OMC) risque de transformer l'éducation, ainsi que d'autres biens sociaux, en une marchandise commerciale, soumise aux règles de la concurrence.