Les modalités de sélection en Faculté de Médecine viennent à nouveau d’être modifiées. Le nouveau décret DUPUIS relatif au Numerus Clausus, enterinné par la Commission Enseignement du Parlement de la Communauté Française, annule la sélection qui existait en fin de premier cycle et institue un nouveau mode de concours pour l’accès au troisième cycle (obligatoire pour pratiquer la médecine tant spécialisée que générale).
Après un débat en Commission d’une qualité médiocre, le décret Dupuis semble recevoir les faveurs d’une majorité de parlementaires communautaires. Je présenterai d’abord le décret en tant que tel et quelle analyse en tirer, ensuite, la proposition des doyens de facultés de Médecine, enfin, je résumerai les vues du mouvement étudiant et les propositions pour l’avenir. La position de l’AGL a été adoptée par le Conseil (disponible sur www.agl.ucl.ac.be).
L’atmosphère dans laquelle s’inscrit le nouveau décret Dupuis peut se résumer par l’état de délabrement (cassé à plusieurs reprises par le Conseil d’état) de l’ancien décret plus que par une réelle volonté de modifier le système. On peut accepter la position de Madame DUPUIS d’ouvrir le débat sur le contingentement au niveau fédéral, même si le monde politique flamand ne partage sans doute pas les vues francophones en matière de soins de santé, la démographie médicale étant fondamentalement différente en Flandre. Malheureusement, les garanties communautaires d’une interpellation du parlement fédéral en la matière sont des plus ténues, le ministre DUPUIS n’a sans doute pas les moyens de ses ambitions au niveau fédéral lorsqu’on voit les positions parfois radicalement différentes des partis francophones selon qu’ils siègent au niveau communautaire ou qu’ils siègent au parlement fédéral. Le nouveau décret, dont l’objectif final est sans doute de mettre un grand coup de pied dans la fourmillière, manquera sans doute ce noble but.
En résumé, la sélection de la Communauté Française est annulée mais dans les faits, elle est reportée en dernière année (septième année). Le Concours d’accès au troisème cycle permettra de départager les étudiants pour l’obtention d’un agrément INAMI. La méthode du nouveau concours ne tient pas compte des modalités de terrain : la cote sera partagée entre 50% pour le curriculum vitae, 25% pour les stages et enfin 25% au cours d’un entretien de motivation (un amendement de la FEF et l’avis négatif de certains académiques – surtout UCL – n’ont pas modifié cette clef de répartition). Une commission inter-universitaire (nommée par le Conseil Interuniversitaire francophone (CIUF)) se réunira pour attribuer les places sur base de ces derniers résultats selon des quotas fédéraux (contingentement INAMI et les sous-quotas de l’A.R. du 30 mai 2002). Un "article 7bis" a été amendé lors du débat parlementaire instituant une évaluation du décret sur base annuelle (nombre de sortants, nombre d’étudiants étrangers, risques de pénurie).
Le représentant des doyens et du CIUF, le professeur Rombouts, a indiqué son inquiétude par rapport au décret Dupuis, en défendant la proposition MR (sélection après une première candidature avec distinction visa A – visa B se faisant en dernière année, lors du concours). En regrettant l’absence d’informations entre le monde académique et le mouvement étudiant dont le doyen Rombouts semble se faire l’écho, nous ne pouvons que nous opposer à un projet mettant en exergue la fonction de reproduction sociale de l’université. En outre, même si la mise au même niveau des visas A et B dont les mérites cliniques ne peuvent être que définis après les stages et la formation médicale proprement dite nous semble un acquis, cette position nous semble bancale pour plusieurs raisons majeures : 1. pour nous, la réelle sélection (celle de l’accès à la profession) est dans cette optique renvoyée en dernière année. 2. cette sélection qui prétend contingenter le nombre d’étudiants (par opposition au décret Dupuis) risque de subir les affres du décret en application depuis 1995 (pour rappel, le jugement négatif – sur le fond tant que sur la forme – par le Conseil d’Etat) et ainsi de ne pas être un filtre à l’accès (ce qui est en soi une bonne chose dans l’idée du libre accès à l’Enseignement). 3. le choix laissé aux étudiants lors de référendums effectués en auditoire ne peut être avalisé pour au moins deux raisons. D’abord, la méthode de référendum était douteuse car sans contrepoids par le mouvement étudiant et organisé de manière fort cavalière. Ensuite, en ne présentant pas la problématique dans sa globalité, les doyens ont laissé le choix entre la peste et le choléra aux étudiants.
La Fédération des Etudiants Francophones a, quant à elle, proposé un moratoire (demandant au Parlement de la Communauté Française de “suspendre toute activité législative jusqu’à obtenir un débat public au niveau fédéral sur les soins de santé, leur financement et ses matières connexes”). Jonathan COUVREUR, auditionné par la Commission en même temps que les professeurs DELIEGE et ROMBOUTS, a rappelé la volonté du Mouvement Etudiant de rester cohérent sur ce dossier : oui pour annuler la sélection, mais pas sans garanties d’un véritable débat fédéral. Ces garanties n’étant pas assurées et les conclusions de ce débat ne pouvant être connues a priori, la FEF a décidé que le décret Dupuis, par ses qualités et ses défauts, ne pouvait être supporté sans conditions. Nous croyons aussi que la position de Madame DUPUIS est courageuse a certains égards mais manque son objectif en ne s’assurant pas d’un débat fédéral et d’une interpellation des ministres VANDENBROUCKE (SP.A) et TAVERNIER (AGALEV).
En conclusion, la dernière mesure prise par la Communauté Française rend le Numerus Clausus de plus en plus incompréhensible, incohérent. Le vrai débat se situe dans le camp du fédéral : de nombreuses études et réflexions existent démontrant le danger que notre système de soins de santé encoure si cette réduction du manpower perdure. La note de l’AGL adoptée récemment indique un certain nombre de pistes et d’alternatives pour rationaliser le budget des soins de santé. Ce nouveau décret plonge les étudiants dans une insécurité de plus en plus manifeste. Il est peut-être temps de réagir.