Bologne. Le mot est à la mode, et couvre un éventail de débats tellement large et soulève tant de questions que certains ne savent plus où donner de la tête. Le mo-dule traitant de l’harmonisation européenne de l’enseignement a donc permis de redécouvrir ce qui se cache derrière ce nom, et de lancer des pistes de réflexion dans des sens très divers. Après un bref aperçu des exposés des intervenants, nous détaillerons les discussions qui ont eu lieu dans les deux sous-groupes d’étudiants.
A tout seigneur, tout honneur : le recteur Marcel Crochet et le vice-recteur aux affaires académiques Michel Molitor ont inauguré ce module. Tous deux soulignent la chance que représente le processus de Bologne en terme de mobilité pour les étudiants Pour M. Crochet, l’université ne peut pas se couper du monde du travail mais doit au contraire tenir compte des demandes et exigences de ce monde pour construire sa pédagogie. En ce sens, Bologne est là et on ne pourra éviter ce qui apparaît comme un mouvement irréversible. Au lieu de tomber dans le fatalisme, saisissons cette opportunité pour mieux rebondir et réformer en profondeur notre pédagogie. Et ce d’autant plus que les prémices de Bologne se confondant avec ceux de la construction européenne, l’harmonisation dépasse de loin le cadre strict de l’enseignement et modifie de manière fondamentale l’université telle qu’on la connaît actuellement. Michel Molitor, sans nier la chance offerte par ce processus, en a souligné les pièges et les dérives, en terme notamment de l’évolution du rapport au savoir. Par exemple celui qui consisterait à transformer l’université en un lieu de rationalité instrumentale.
Francisco Padilla, permanent AGL, enchaîna ensuite et développa les aspects néga-tifs du processus d’harmonisation. Outre les risques de marchandisation de l’enseignement supérieur, déjà présentés dans ces colonnes, Francisco approfondit la notion d’employabilité et défendit l’idée selon laquelle il y aurait une dépendance mécanique de l’enseignement vis-à-vis de l’économique.
Deux groupes d’étudiants ont alors débattu de différents points. Le premier groupe s’est concentré sur deux aspects : Tout d’abord, la formation continue tout au long de la vie fut mise en cause. Ces diplômes font-ils entrer une exigence de professionnalisation au sein des programmes universitaires, professionnalisation des études qui est une des principales craintes liées à Bologne ? Que du contraire ! Les personnes venant suivre ses formations viennent à l’université pour acquérir une série de compétences non professionnalisantes au sens strict, comme l’esprit critique. On peut citer à cet égard la Fopes. Ces formations et les diplômes auxquels elles conduisent sont donc très différentes d’un enseignement professionnalisant.
Les discussions se focalisèrent aussi sur les attentes des étudiants par rapport à Bologne. Que se passera-t-il quand les frontières européennes se seront totalement effondrées ? Les opportunités d’aller faire tout ou une partie de son cursus à l’étranger seront nombreuses et cela enrichira la formation de l’étudiant. Cela étant dit, le risque est de voir se constituer des réseaux d’universités d’élite s’échangeant et recherchant les meilleurs étudiants et professeurs. Des personnes moins favorisées, venant d’université de seconde zone, n’auraient plus accès pour leur second ou leur troisième cycle à ce réseau d’élite, et ce malgré l’harmonisation européenne. Faut-il dès lors une reconnaissance automatique des diplômes en Europe ? Certains rétorquent à cela que ce système inviterait les mauvaises universités à faire des efforts et à s’adapter, augmentant ainsi le niveau général.
Le second groupe d’étudiants nuança l’exposé de Francisco. Pour eux, le monde de l’enseignement conserve une certaine autonomie et fonctionne selon une logique particulière. S’il reçoit effectivement des demandes sociales, dont certaines émanant du monde économique, il va toujours les retraduire dans son langage propre et les transformer en objectifs pédagogiques. Le groupe a également clairement distingué la professionnalisation de l’employabilité. Le premier terme signifie que le diplôme donne directement accès au marché de l’emploi dans un cadre bien précis. Le second considère que le diplôme de premier cycle universitaire (en trois ans selon Bologne) doit donner à l’étudiant une série de compétences transversales (capacité d’analyse, facilité à travailler en équipe) pouvant être valorisé sur un plan professionnel. Le risque de voir un baccalauréat (futur nom des candidatures) strictement professionnalisant semble donc s’écarter. Enfin, il est ressorti que l’avenir de Bologne n’est pas inscrit à l’encre indélébile dans le processus. S’il y a des dangers, on ne peut dire aujourd’hui que Bologne est mauvais et qu’il faut rejeter en bloc la réforme.
Ce résumé vous paraîtra trop bref, et vous aurez raison. Le dossier Bologne est si vaste que dix Savate ne suffiraient pas à en couvrir tous les aspects.