Il était une fois, au plus profond d'un blocus, en plein milieu d'un gris et pluvieux mois de décembre, un ministre des affaires sociales qui s'ennuyait. Alors, profitant de la période d'hibernation des étudiants, il eut l'idée de leur préparer une surprise. Et voilà notre ministre déclarant sans sourciller que les futurs kinésithérapeutes habilités à exercer leur profession seront tirés au sort parmi l'ensemble des diplômés. Oui, oui, vous ne rêvez pas. Vous avez bien lu : ils seront tirés au sort. Et cela vaudrait aussi pour les étudiants en cours de cursus. Pour effrayer davantage encore son public, il ne recula pas devant le plaisir de quelques chiffres. Sur plus de 1000 diplômés en kinésithérapie sortant des universités (dont l'UCL) et des Hautes Ecoles, seuls 180 francophones et 270 flamands verront leur nom sorti du chapeau de notre cher ministre.
Ridicule ? Bien sûr. On ne peut envisager sérieusement qu'après 5 longues années d'études, on tire au sort les diplômés qui auront le droit d'exercer la profession pour laquelle ils ont étudié. Cela ne vous rappelle-t-il pas une histoire où l'on tirait à la courte paille celui qui serait mangé ? Si ce n'est qu'ici, le ministre meurt de faim. N'empêche. Au pays où l'absurde est roi, on ne peut présager de rien.
Néanmoins, il est beaucoup plus probable que le ministre ait lancé cette proposition provocatrice pour obliger les Communautés à organiser un numerus clausus ou une quelconque autre forme de sélection au début ou en cours de cursus. Et donc à les obliger à se conformer au nombre de licences INAMI qu'il est prêt à délivrer. Le pouvoir fédéral a en effet décidé de limiter l'octroi de licences à partir de 2003, c'est-à-dire pour tous les étudiants qui ont commencé leurs études en 2000 et 2001. Ce qui, la vexation du tirage au sort en moins, reviendrait tout de même à empêcher des centaines de diplômés d'exercer leur art alors qu'ils ont été reconnus aptes à le faire. Quant à organiser un numerus clausus sur base d'un examen d'entrée, on sait l'injustice sociale que cela représente. C'est donc une fois de plus la liberté d'accès à l'enseignement supérieur qui est malmenée.
En attendant, les étudiants de kinésithérapie nagent continuellement en pleine incertitude. Il serait temps de gérer l'offre de soins et plus généralement les coûts de notre système de santé autrement que par coup de bluff et effet d'annonce à la petite semaine. Et pas sur le dos des étudiants...