Si le débat a encore l'air de naviguer dans l'éther le plus absolu pour la plupart des personnes concernées – non seulement les étudiants, mais aussi les trois quarts des responsables académiques, qui baignent dans une sorte d'euphorie inquiète, sans parler des politiques – les choses avancent pourtant à la vitesse grand V dans les cercles des initiés.
Car si personne d'autre que la main invisible de la concurrence n’est là pour botter le train aux éventuels récalcitrants, le calendrier est lui bien arrêté et très serré. Il est entendu parmi les ministres (rappelons que rares sont les parlements a avoir jusqu'ici été associés au processus) et les hautes autorités académiques (parmi lesquelles notre recteur est loin d’être en reste) que la totalité du "processus de Bologne" sera achevée pour 2010. C'est-à-dire, selon les conjectures actuellement en vigueur (tout ceci doit être pris au plus pur conditionnel), que tout l’enseignement universitaire européen sera organisé en 5 ans – un cycle de 3 ans suivi d’un second de 2 ans – et répondra à des normes communes à créer en matière d’évaluation et de reconnaissance de la qualité, d’équivalence des diplômes ou de mobilité étudiante (entre autres).
Dans cette hypothèse, les premières promotions à rentrer dans le système devront être celles qui entameront les études en septembre 2004 (et qui donc termineront... en juin 2010). Ce qui implique que le législateur se soit penché sur la question suffisamment longtemps à l'avance pour laisser le temps aux commissions des programmes des universités de modifier les cursus. Les estimations les plus raisonnables tablent donc sur un décret de la Communauté française pour septembre 2003 (la ministre Dupuis parle d’un décret pour le printemps 2003). Autrement dit, C'EST MAINTENANT QUE CA SE PASSE !
Ce qui pose la question de l'option méthodologique à prendre face à cette situation qui, bien sûr, ne nous plaît guère. Les choses vont beaucoup trop vite que pour permettre une appropriation de la question par d’autres que les habituels initiés. En outre, le processus s’est enclenché – du fait même de sa nature – sans qu’aucun débat public d’envergure n’ait eu lieu préalablement pour déterminer les orientations à lui donner.
Alors : que faire ? S'opposer massivement, avec la perspective à peu près certaine de ne pas être entendu ou tenter d’infléchir les choses dans la manière dont elles seront appliquées ? La question est ouverte. Du côté de l'AGL, l'option qui prévaut actuellement est de différencier, d’une part, les aspects formels et les questions de légitimité – que nous contestons globalement et dont nous dénonçons les risques importants – et de prendre, d’autre part, une position plus constructive face aux autorités en ce qui concerne l’application pédagogique des mutations en cours : modularisation (ou non), estompement de l'année d’études, changement des modes d’évaluation...